Juliette Drouet

JULIETTE DROUET : vingt-deux mille lettres de « Juju » à son « petit homme » adoré

Lorsqu’elle rencontre l’écrivain, Juliette Drouet est une actrice fort jolie et intelligente. Elle montre aussi un talent certain pour s’attacher de généreux protecteurs, des liaisons qui assurent à Juliette un train de vie luxueux, au point d’exciter de vives jalousies.

Jusqu’à l’âge de trente-trois ans, l’actrice obtient de vrais succès au théâtre, charme par son jeu sensible et ses toilettes à ravir. C’est à une lecture de Lucrèce Borgia, où elle interprète la princesse Negroni, qu’elle rencontre son auteur, Victor Hugo. Par la suite, sa vie va obéir au calendrier du grand homme. Elle se soumet à une double contrainte, interdiction de sortir sans lui, et rédaction quotidienne de ce qu’il appelle sa « restitus », l’état de sa santé, ses sentiments et occupations. Excédée au bout des six premiers mois de ce régime, elle brûle toutes les lettres qu’il lui a écrites, mais se remet bientôt à la tâche. Leur relation est orageuse, leur jalousie réciproque, nourrie chez lui par le passé de Juliette, chez elle par les innombrables infidélités de Hugo. Comme il n’aime pas les larmes, elle les confie au papier, et se console de ses absences avec les lettres qu’il lui envoie. Ils scellent leur union sans témoin ni prêtre par des vœux où il s’engage à l’entretenir avec sa fille Claire qui décèdera jeune, tout comme Léopoldine, la fille de Victor Hugo (19 ans en 1843)

Juliette sert avec ardeur de copiste. Elle collationne les manuscrits, contribue à la documentation, recueille des témoignages, dont Hugo retient les passages les plus frappants. Le récit d’une cousine sur les traditions de la Chandeleur est repris presque à l’identique dans Les Misérables. L’enfance de Cosette au couvent de Picpus emprunte à celle de Juliette chez les dames de Sainte-Madeleine, Le roman est interrompu « pour cause de révolution » : Gavroche attendra douze ans pour monter sur les barricades.

Après le coup d’État du 2 décembre 1851, Hugo part déguisé en ouvrier pour Bruxelles, où Juliette le rejoint bientôt avec sa précieuse malle de manuscrits.

À Jersey, étape de leur exil, il est accueilli par des ovations et un banquet. Il refuse fermement de la sacrifier à sa réputation comme le somme de le faire son épouse, arguant qu’elle lui a sauvé la vie et s’est toujours comportée avec une discrétion absolue. Juliette endure les humiliations, les mensonges, la solitude de l’exil, du moment qu’elle peut contribuer tant soit peu à son bien-être et à son œuvre.

Si Juliette reproche vivement à Hugo sa conduite, elle voue une admiration sans bornes à son œuvre. Tout ce qu’il écrit est sublime, comme son récit de Waterloo : « La France qui perd ce jour-là Napoléon gagne Victor Hugo. » Juliette s’identifie sans réserve aux malheurs des pauvres gens, voudrait tuer les affreux Thénardier, implore pour le petit garçon tourmenté de L’homme qui rit la pitié de l’auteur qui est, à l’égal de Dieu, « son persécuteur ».

Elle voudrait le voir se retirer du champ politique pour se consacrer entièrement à son œuvre et un peu plus à elle-même, mais épouse bon gré mal gré tous ses combats, et accompagne son évolution politique.

Les nombreux hommages et la foule présente aux funérailles de Juliette Drouet montreront à quel point elle a su conquérir la reconnaissance publique qu’on lui avait si longtemps déniée.

Source : Dominique Goy-Blanquet à propos de « Juliette Drouet, compagne du siècle par Florence Naugrette.

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